#Regarde-Moi

La rencontre de ma vie
La neige tombe sur les trottoirs, elle les rend glissants. Les flocons dansent dans le ciel avant de s’écraser sur le bitume. Une dernière danse avant la chute, une dernière poésie avant de mourir. L’hiver est là. Une autre année s’achève. Voilà presque trois ans maintenant que Louise s’est envolée.
On n’oublie jamais.
La plaie reste ouverte. La douleur toujours présente. Tenace, sensible, à vif. J’ai appris à vivre avec ce mal. Je continue de vivre. Je ne sais pas trop pourquoi. Une force extérieure me pousse à avancer. Survivre peut être plus que vivre…
J’ai un travail dans une librairie. J’aime les livres. Ils ne mentent pas. Ils sont comme un réel irréel. Une contradiction. Une échappatoire. L’odeur des livres est apaisante. Elle m’apaise. Je les sens s’infiltrer en moi. Ils me font devenir quelqu’un. Je suis libraire. J’ai une à nouveau identité.
Je suis une vendeuse de livre, de savoir et d’histoire.
Une vendeuse de rêve…
J’ai déménagé. Je vis dans un petit studio. Pas loin de mon travail. Je peux y aller à pied. J’ai un semblant de vie. Je continue d’être. Les semaines passent. Elles se ressemblent. Les jours défilent. Ils se confondent.
Travailler en souriant de 9h à 18h avec 1h de pause le midi.
Manger un peu quand je n’oublie pas. Je contrôle toujours mon poids. Ma balance trône fièrement dans ma salle de bain. Je me pèse tous les mardis, jeudis et samedis.
Boire quelques verres de Chardonnay les soirs de semaine, un peu plus les week-ends.
Pleurer les soirs en pensant à Louise.
Appeler Jérémy lorsque mon taux d’alcoolémie est en hausse. Lorsque j’ai besoin de me décharger. Il m’écoute, il est gentil et patient. Il a refait sa vie. Il mérite d’être heureux. Je mérite ma souffrance.
Voire ma mère tous les dimanches. Lui tenir compagnie en sirotant le rosé qu’elle prend spécialement pour moi. Je ne peux pas l’écouter sans boire. Je ne la supporte pas. Alors je bois et je peux rester près d’elle. Elle sombre. Je savoure sa peine. Je ne dis rien. Je souris au fond de moi. Elle avait tout. Elle a tout gâché. Je hais ma mère. Elle a tué mon papa. À cause d’elle, je ne le vois plus. Il me déteste. Je crois. Je ne sais pas. Je hais ma mère. J’ai jamais essayé de le contacter.
J’ai honte.
D’elle.
De moi.
Je l’aime.
Il ne me voit pas.
Je l’aime.
Lui pas.
J’ai un chat, Maybe. Peut-être qu’il me portera chance. Il m’offre quelques ronrons thérapeutiques. Il est roux avec le poil ras. Il est discret et calme. J’aime bien les chats. Ils sont indépendants et mystérieux. Ne demande que peu de soin. On doit mériter leur affection et se soumettre à leur envie.
Toutefois, je reste insignifiante. Personne ne me voit. Ma désolation est devenue ma meilleure compagne.
J’avance.
J’attends.
Je t’attends.
Toi.
Sans le savoir encore…
Puis un jour, le soleil entre dans ma boutique. Un soleil au cheveu brun, aux yeux bleus et au sourire ravageur. Tu es là. Le destin t’envoie jusqu’à moi. Je te vois pousser la porte vitrée, la clochette carillonne. Tu es superbe. Incroyable. J’en ai le souffle coupé instantanément.
Je te vois.
Je te vois vraiment.
Je suis amoureuse. Sans préavis. Comme un coup de folie.
Ma folie.
Mon cœur bat plus vite. Ma respiration s’accélère et se stoppe en même temps. Je n’ai pas besoin de te connaître pour le savoir. Je le sais. Je le sens. Je vibre déjà de toi. Ma vie éteinte reprend un sens. Un souffle. Un but. Une impulsion. Mon cœur s’enflamme.
Il reprend vie.
Je le sais.
Je le sens.
Je te vois.
Tu es là.
Mon âme reconnaît celui qu’elle a toujours attendu. Je sais que je ne vivrais plus que pour toi. A jamais. Tu deviens mon tout. Mon univers. En une fraction de seconde, je suis à Toi. Je t’appartiens. Je retrouve à nouveau un Nom. Le tien. Et mon monde deviens Toi. Je ne peux alors plus respirer dans un monde où tu n’es plus…
Je décide de ne plus pouvoir le faire. Une promesse. Un serment. Une décision indélébile gravée dans mon âme.
Ma folie…
Tu recherches un livre pour enfant. Je te conseille. Tu me souris. Me vois-tu ? Je tremble d’émotion. Je tremble de toi. À la caisse, tu m’observes. Tes yeux, posés sur moi, me rendent nerveuse. Tu me souris allègrement. Je te plais aussi. On parle un peu de toi. Tu m’expliques que tu es papa et que c’est pour ta fille. Je tressaille. Tu es en couple. Je suis démolie. Tu pars pour le livre à la main et disparais dans une rue voisine. Je saigne. Je pleure au WC. Je n’ai pas pu me tromper. J’ai besoin de toi. Ne me laisse pas. Comment est-ce possible d’aimer si vite ? C’est illogique et déraisonnable. Je ne redeviens plus qu’une ombre à nouveau…
Le soir, je bois quelques shots de vodka. Ivre de Toi, je rêve de Toi. J’imagine des lendemains dans tes bras. Je crée des songes où je suis ta princesse. Je souris et bercée par la vodka qui tangue dans mes veines, je m’endors.
Le lendemain, je t’attends. Je veux que tu reviennes. L’histoire doit continuer. La matinée passe. Rien. Quelques clients sans intérêt. J’ai envie de parcourir les rues de cette ville pour te chercher, te retrouver. La journée est interminable. Je suis morose. Taciturne. Triste et mélancolique. Je t’attends. Mon cœur s’embrase à chaque fois que la porte s’ouvre. Rien.
Il est 18h, je ferme. Tu ne viendras plus. Peut-être demain…
Je ferme les stores électriques, et là, comme dans un vieux film hollywoodien, je me retourne et tu es là. Tu me souris.
Je le savais !
Je l’avais senti !
Je te plais aussi finalement.
Je revis.
On parle presque 30 min sur le trottoir. Il commence à pleuvioter. J’ai froid, mais je ne veux pas partir. Tu me propose de boire un verre. Je dis oui presque trop précipitamment. C’est trop facile. Je suis une fille facile. Surtout pour toi. Je suis déjà à toi sans même que tu n’aies rien à faire…
C’est un 10 décembre.
Est-ce un signe de la Vie ?
Je le crois.
Je le sens.
Je l’espère.
Rien ne sera plus comme avant.
Notre histoire commence…
Et je vais mourir pour Toi, car je ne sais pas ce que vivre pour quelqu’un veut dire.
Mais pour l’instant, je souris et je trotte gaiement à tes côtés.
On entre dans un bar animé.
La soirée ne fait que commencer…
Je suis heureuse et ça faisait longtemps…

NiNiE
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